Un appel
pour faire du haut fourneau de Marcinelle
le symbole du renouveau de Charleroi
A la suite de
lindustrie charbonnière, la
sidérurgie a influencé fortement
lhistoire de la Wallonie et a marqué
profondément son paysage. Mais la
sidérurgie à chaud, principalement la
fabrication de la fonte, disparaît en Wallonie. Au
pays de Charleroi, le sort du site de production de
Carsid est désormais scellé : il ne
reprendra pas !
Le haut-fourneau
était loutil fétiche du
sidérurgiste, léquivalent du
châssis à molettes pour le mineur. Il
excitait les imaginations ; pour preuves, les nombreux
surnoms trouvés pour le désigner : la
bête, le fonte à fer, la bouche à
feu, le dragon, le monstre, le titan, la tour de feu ou
encore le mastodonte.
En 1960, il y avait
57 hauts-fourneaux presque tous disparus
aujourdhui: 24 à Liège (il en reste 2
à larrêt), 5 chez Boël à
La Louvière, 5 à Clabecq (il en reste 1
à labandon), 2 à Athus dans le
Sud-Luxembourg et 21 au pays de Charleroi. Il nen
reste plus un ! Sauf le dernier mis à feu en 1963
: le haut fourneau N°4.
Il était inauguré exactement le 3
décembre 1963, 2 jours après la saint Eloi,
soit il y a 50 ans!
Comme les clochers
déglise, comme le beffroi de notre
hôtel de ville ou comme les chevalements du Bois du
Cazier, ce monument industriel se dresse dans le ciel
comme un point de repère auquel la population du
pays de Charleroi sidentifie fortement. On le voit
de partout en descendant dans la vallée que ce
soit des hauteurs de Monceau-sur-Sambre, de Jumet, de
Montigny-le-Tilleul ou de Couillet.
Voir
disparaître ce haut-fourneau du paysage, ce serait
perdre une partie de notre âme. Et ce quil
nous reste de mémoire du Pays noir. Le premier
haut fourneau au coke, qui symbolise la Révolution
industrielle, est allumé à Marcinelle
précisément en 1827 par le maître de
forges Paul Huart-Chapel, qui fut également
bourgmestre de la Ville de Charleroi.
Au début des
années 1970, vingt mille sidérurgistes
produisaient 6 millions de tonnes dacier qui
contribuèrent au bien-être de leur famille
et au profit du capitalisme belge. Que de fierté
mais aussi de souffrances par les conditions de travail
difficiles!
Alors que le
350ème anniversaire de notre ville approche ! Nous
laisserions disparaître un tel symbole ?
Non.
Dautres bassins
industriels ont montré lexemple en
préservant un ou plusieurs hauts fourneaux parfois
insérés dans des complexes
sidérurgiques sauvegardés :
- le site de Völklingen, dans la Sarre,
classé au Patrimoine mondial de lUNESCO
- les hauts fourneaux de Duisburg dans la Ruhr
également en Allemagne ;
- le haut fourneau dHattinger aussi dans la Ruhr
;
- le site de Belval à Esch-sur-Alzette dans le
Grand Duché du Luxembourg ;
- le parc dUckange en Lorraine.
Modernisé et
agrandi en 1976, 1985, 1996 et enfin en 2007, sous
lère Duferco, le haut fourneau N°4 est
récent et na peut-être pas de valeur
archéologique exceptionnelle. Mais il est
lavant dernier à avoir été
allumé et il est le plus grand à avoir
été édifié par les
ingénieurs et les ouvriers carolorégiens.
Il est comme le symbole de leur savoir-faire ancestral !
Sa capacité de production journalière
initiale de 2000 tonnes, fut une première fois
portée à 3000 tonnes par jour, soit plus
dun million de tonnes par an, pour être
finalement portée à 5400 tonnes par jour
pour une hauteur utile du four de 23,5 m et un
diamètre au creuset de 9m.
Il ne sagit pas
ici de créer un nouveau pôle muséal
car, à côté du cur de la ville,
le site du haut fourneau peut aisément
sinsérer dans la dynamique volontaire de
revitalisation du tissu urbain dans le respect de son
histoire.
On peut imaginer
:
- un parc paysager aménagé autour du haut
fourneau comprenant des vestiges dautres outils
sidérurgiques mais aussi des activités
nouvelles : entreprises, logements, loisirs après
la dépollution des sols ;
- une mise en lumière par un artiste de
renommée internationale qui le transformerait
dès la nuit tombée en une uvre
dart, nouveau symbole de notre ville :
- un itinéraire de visite, par un chemin
sécurisé jusquau sommet du haut
fourneau, offrant des vues imprenables et inédites
sur notre ville. Les anciens ouvriers de lusine
apporteraient aussi un regard émouvant sur la
sidérurgie ;
- une programmation culturelle accompagnant la
valorisation patrimoniale de ce lieu de mémoire :
artistes et créateurs seraient invités
à présenter leur travail ou à
créer des uvres uniques sur site ! Cette
programmation serait un élément de la
politique culturelle audacieuse
projetée.
Le centre ville
présente loriginalité
dêtre à proximité dun
paysage encore largement marqué par la
sidérurgie. Il faut voir dans ce patrimoine
industriel, notre bien commun le plus cher, des
caractères didentification à notre
ville.
Les vestiges les plus
exceptionnels méritent dêtre
conservés et transmis aux
générations futures pour perpétuer
le souvenir de ceux qui ont forgé le pays de
Charleroi, pour montrer le renom de celui-ci et pour
nourrir le sentiment dappartenance à notre
ville.
Lentreprise
Duferco, les pouvoirs publics et particulièrement
les autorités wallonnes et communales doivent
prendre leurs responsabilités et choisir une voie
qui concilie la préservation de notre
mémoire et les enjeux industriels avec le nouvel
aménagement de la Porte Ouest
Le site du haut
fourneau de Marcinelle est une opportunité
exceptionnelle pour marquer cette volonté qui fera
connaître notre ville en Europe ! Par mesure
conservatoire, nous demandons son inscription sur la
Liste de sauvegarde par le Ministre du
Patrimoine.
Que ceux qui
partagent notre souhait, rejoignent cet appel
!
Jean-Louis DELAET
Historien, A titre personnel
Président de Patrimoine Industriel
Wallonie-Bruxelles (PIWB)
Directeur du Bois du Cazier
Jl.delaet@hotmail.be
Gilles DURVAUX
Enseignant et photographe,A titre personnel
Administrateur de PIWB
Administrateur du Bois du Cazier
Gilles.durvaux@brutele.be